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Grand angle #4 – « Es war einmal die Mauer » (*)

Posted by Ibo sur 31 août 2011

(*) Il était une fois, le mur.
[Ndlr: Cliquez sur chaque photo pour les voir en meilleure résolution, en particulier les panoramas]

Il était une fois un mur.
Le mur.
Celui-là même que je me suis construit, encore enfant.
Souvent, ces murs là tombent, s’effondrent avec l’âge
Avec le temps, avec la sagesse.
Souvent, ils s’effritent, s’écroulent.
Avec un peu de force et de courage.
De chance aussi.
Lorsqu’on les brusque un peu, ils chancèlent.
Lorsqu’on leur murmure avec douceur, ils fondent.
Souvent en pleurs.

Reste du Mur de Berlin, au niveau de la Bernauer Strasse

Reste du Mur de Berlin, au niveau de la Bernauer Strasse

Cinquante ans et un jour auparavant, nous étions le 13 août 1961.
Le Mur fut construit à Berlin.
Die Mauer.
Et mur, il vécut ce que vivent les murs, l’espace d’une vie.
Et disparut.
Après bien des tourments.
Des déchirures.

"East Side Gallery" - Reste du Mur de Berlin, à Friedrichshain, restauré en 2009

"East Side Gallery" - Reste du Mur de Berlin, à Friedrichshain, restauré en 2009

Cinquante ans et un jour après le 13 août 1961, nous marchions sur la Bernauer Straβe.
Nouveau lieu de mémoire dédié au Mur de Berlin [inauguration le 13 août 2011 du Gedenkstätte und Dokumentationszentrum Berliner Mauer]
A la mémoire des drames qui s’y sont noués
Laissant encore ouvertes ces blessures à l’âme qui peinent à guérir.

Mémorial du Mur de Berlin, Bernauer Strasse

Mémorial du Mur de Berlin, Bernauer Strasse

DM et moi étions à la recherche de traces.
Car Berlin a beaucoup effacé.
Berlin a peut-être voulu oublier.
Pour remplacer sa mémoire douloureuse.
Pour – vite – construire autre chose à la place du Mur.
Un pont peut-être ?
Une passerelle vers l’avenir, vers une rive plus douce de la Spree ?

Panorama de la Spree sur la gare principale de Berlin ("Berlin Hauptbahnhof"), inaugurée en 2006 après 11 ans de travaux

Panorama de la Spree sur la gare principale de Berlin ("Berlin Hauptbahnhof"), inaugurée en 2006 après 11 ans de travaux

DM et moi marchions sur la Bernauer Straβe, à la recherche de traces du Mur.
Nous scrutions.
Nous lisions.
Nous regardions.
Nous écoutions.
Peu à peu, ce mur, le Mur, nous apparaissait.
Devant nos yeux mais plus encore dans nos esprits.
Peu à peu, nous arrivions à le ressentir en nous.
Peu à peu, une vague intérieure se levait en moi.
Comme un mur.
J’ai dû interrompre une phrase de DM, m’invitant à continuer notre chemin le long du mémorial.
J’ai dû m’arrêter de marcher.
Mes jambes flageolantes ne me portaient plus.
Il se mit à pleuvoir.
J’ajustais ma casquette.
Je pris ma respiration.
Une fois.
Deux fois.
Et perdis mon souffle.
En lieu et place du Mur de Berlin, c’était mon mur que j’avais trouvé.
Celui là même que je me suis construit, encore enfant.

"East Side Gallery" - Reste du Mur de Berlin, à Friedrichshain, restauré en 2009

"East Side Gallery" - Reste du Mur de Berlin, à Friedrichshain, restauré en 2009

Ce mur, mon mur, je l’avais presque oublié.
Je croyais m’en être débarrassé il y a quelque temps.
Mais, comme on ne peut oublier d’où on vient, on ne peut oublier éternellement ses murs intérieurs.
Tôt ou tard, ils vous barrent la route.
Vous empêchent d’aller de l’avant.
De passer à autre chose.
De devenir adulte.
De choisir d’être heureux.
Pour de vrai.

"Wie geht es Euch ? GruB von Vati + Mutti + Omi" - Message adressé par dessus le Mur en 1961 par les proches ("Comment allez vous ? Bonjour de Papa + Maman + Mamie") - Mémorial du Mur de Berlin, Bernauer Strasse

"Wie geht es Euch ? GruB von Vati + Mutti + Omi" - Message adressé par dessus le Mur en 1961 par les proches ("Comment allez vous ? Bises de Papa + Maman + Mami") - Mémorial du Mur de Berlin, Bernauer Strasse

Mais mon mur à moi, lui, était – encore – là.
Le 14 août 2011, en le re-voyant, j’ai pleuré.
Comme je n’ai jamais pleuré auparavant.
Les larmes se mélangeant à la pluie torrentielle.
Ou l’inverse, je ne sais plus.
Lavant ma mémoire ou la ravivant, je ne sais plus non plus…

Take care, gib auf dich acht,

Ibo

Epilogue: Der Erlkönig, poème [sombre et] magnifique de Goethe (traduction ici)

Wer reitet so spät durch Nacht und Wind?
Es ist der Vater mit seinem Kind.
Er hat den Knaben wohl in dem Arm,
Er faßt ihn sicher, er hält ihn warm.
Mein Sohn, was birgst du so bang dein Gesicht? –
Siehst Vater, du den Erlkönig nicht!
Den Erlenkönig mit Kron’ und Schweif? –
Mein Sohn, es ist ein Nebelstreif. –
„Du liebes Kind, komm geh’ mit mir!
Gar schöne Spiele, spiel ich mit dir,
Manch bunte Blumen sind an dem Strand,
Meine Mutter hat manch gülden Gewand.“
Mein Vater, mein Vater, und hörest du nicht,
Was Erlenkönig mir leise verspricht? –
Sei ruhig, bleibe ruhig, mein Kind,
In dürren Blättern säuselt der Wind. –
„Willst feiner Knabe du mit mir geh’n?
Meine Töchter sollen dich warten schön,
Meine Töchter führen den nächtlichen Reihn
Und wiegen und tanzen und singen dich ein.“
Mein Vater, mein Vater, und siehst du nicht dort
Erlkönigs Töchter am düsteren Ort? –
Mein Sohn, mein Sohn, ich seh’ es genau:
Es scheinen die alten Weiden so grau. –
„Ich liebe dich, mich reizt deine schöne Gestalt,
Und bist du nicht willig, so brauch ich Gewalt!“
Mein Vater, mein Vater, jetzt faßt er mich an,
Erlkönig hat mir ein Leids getan. –
Dem Vater grauset’s, er reitet geschwind,
Er hält in den Armen das ächzende Kind,
Erreicht den Hof mit Mühe und Not,
In seinen Armen das Kind war tot.

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